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Pourquoi Méditer à l’école, oser l’aventure de la méditation dans le parcours éducatif

Nos enfants et jeunes sont confrontés à une société souvent anxiogène : environnement stressant, planète en danger, survie des espèces et de l’humanité, inadéquation du processus d’orientation et des diplômes à un monde professionnel mouvant, perte de sens, prédominance des écrans, instabilité familiale…

Il devient donc urgent de les aider à acquérir des compétences afin qu’ils puissent faire face au monde de demain et en devenir des acteurs conscients, bienveillants et responsables. La pratique de la pleine présence ou pleine conscience dans les établissements scolaires peut compléter et pallier le vide des programmes éducatifs en matière de connaissance de soi et de notre fonctionnement socio-émotionnel. Elle offre aux enfants la possibilité de développer plusieurs formes d’intelligence essentielles à leur développement et intégration dans le collectif :  intelligence du corps et des ressentis, intelligence émotionnelle et cognitive et enfin intelligence pro-sociale.

Bref état des lieux

Malgré le manque d’agrément de l’Éducation Nationale, depuis 2015, plus de 22.800 enfants et jeunes scolarisés – soit 425 établissements répartis dans 23 académies – ont officiellement déjà bénéficié d’un programme intégrant la pleine conscience, dont 73% en élémentaire et 19% au collège, en majorité dans le secteur public (67%). [1]

Au Royaume-Uni en 2019, une annonce du gouvernement (Secrétaire à l’Éducation Damian Hinds) a permis l’introduction obligatoire d’un cours à l’éducation en santé mentale dans les écoles. La mindfulness est donc intégrée dans le curriculum.

A titre expérimental, le programme est lancé dans 370 écoles afin d’étudier ses bénéfices pour la santé mentale et le bien-être. L’étude. doit durer jusqu’en 2022..

L’apprentissage de la pleine conscience, c’est quoi ?

La méditation dite de Pleine Conscience correspond à une pratique entièrement laïque dont le but est d’entraîner les capacités d’attention et de discernement à ce qui est présent dans l’instant (nos pensées, nos émotions, nos sensations physiques) et d’aider ainsi à acquérir une meilleure stabilité intérieure, une meilleure santé ou un plus grand bien-être. Elle consiste donc à développer certaines de nos aptitudes mentales au même titre que la lecture, l’écriture ou la pratique d’un instrument de musique, à condition d’en faire l’apprentissage et de s’y entraîner. Elle ne nécessite aucun système de croyance et est universelle.

La place du corps

La méditation est souvent liée à l’esprit ou à une notion de contrôle mental, suscitant par-là de nombreux préjugés et craintes lorsque l’on parle de l’introduire aux enfants et jeunes en milieu scolaire et éducatif.

Or, méditer signifie, entre autres, « se relier », « se cultiver ». C’est un entrainement de l’attention qui va se tourner vers différentes composantes de notre fonctionnement et nous inviter à nous connecter à nos ressentis, nos émotions, nos pensées, afin de mieux se connaitre et s’accepter.

L’attention au corps est le fil rouge de toutes les pratiques. Le corps immobile, le corps en mouvement, le corps qui respire et tous ses principaux systèmes, dont le système nerveux, le corps en tension, le corps en détente sont les premières explorations proposées. Le corps est le premier support qui aide l’attention à se focaliser et à demeurer concentrée.

Simultanément, cette pratique permet de développer la proprioception, l’écoute des ressentis et sensations. Avec les enfants, il y a en sus un enrichissement ou une initiation au vocabulaire des ressentis, nécessaire à l’expression de leur bien-être ou mal-être. Etre capable de déchiffrer sa météo corporelle, d’identifier les sensations désagréables et celles agréables, de les relier à une expérience ou une situation, est la clé pour apprendre à veiller sur son bien-être, à sentir ce qui est bon ou non pour soi, ce qui provoque du stress et de l’angoisse et par là même, grâce à l’aide la respiration, commencer à se réguler.

Les émotions

Grâce au développement de l’attention vis-à-vis des signaux et fonctionnements du corps, nous sommes en mesure d’aborder la prise de conscience des émotions et du stress. En effet, une émotion, tout comme le stress, est avant tout un phénomène physiologique. L’émotion commence dans le corps, pas dans la tête ou les pensées !

Une émotion est ce qui nous met en mouvement, c’est une manifestation colorée d’une transaction entre soi et l’environnement. Elle est par nature brusque et intense, se déploie comme une vague avec 4 temps identifiés.

Le premier temps est celui du stimuli externe ou interne qui déclenche une mobilisation non verbale, 100% physiologique. Suivant la nature du stimuli, plaisant ou déplaisant, un certain nombre de modifications s’expriment : température corporelle, sueurs, extrémités froides, accélération du rythme cardiaque, etc.

La vague monte et atteint un pic où une expression physique ou verbale se manifeste, la plupart du temps de façon réactive.

Par exemple, j’ai une évaluation demain et je ne me sens pas à l’aise avec le sujet. En y pensant, le stimuli provoque une contraction, peut-être la boule au ventre et je vais y réagir de 3 façons possibles : la fuite (j’ai trop mal au ventre pour aller à l’école et essaie de me défiler), le combat (j’y vais quand même mais dans un état de stress) ou la sidération (qui peut me donner un faux sentiment de détachement, de déconnection, en apparence je m’en fous…). C’est le 2ème temps de l’expression réactive.

Ensuite, la pensée intervient (seulement maintenant) mais elle est encore subjective et partielle car tant que le cerveau est sous le coup d’une émotion, il « déconnecte » notre cortex cérébral. C’est le moment où souvent on tente de se justifier, de s’expliquer, de convaincre mais nous le faisons en réaction à une émotion qui suit son cours. C’est le 3ème temps de la vague : celui de la pensée colorée, subjective.

Malheureusement, comme tout va très vite, c’est souvent ainsi que nous communiquons avec les autres, d’émotion à émotion et de pensée subjective à pensée subjective. Nous pouvons être convaincus d’avoir raison ! Et pourtant ce n’est certainement pas le cas. Ces échanges-là créent la plupart du temps des malentendus et des frustrations.

Durant le 4ème temps, la vague redescend et une détente se produit. A présent, nous pouvons analyser ce qui s’est passé objectivement, grâce à cette détente physiologique. Je me rends compte par exemple que j’avais peur de cette évaluation ou que je manque de confiance en moi, etc… C’est aussi le temps idéal pour se parler et tenter de résoudre un conflit dans une écoute neutre et bienveillante.

La plupart des dysfonctionnements émotionnels et interpersonnels se produisent lorsque ce 4ème temps ne se fait pas. La vague ne redescend pas et la pensée entretient l’émotion. Je rumine, je ressasse et par là maintiens une tension qui, si elle dure, va se somatiser et peut se cristalliser dans un comportement non adéquat.

Ces 4 temps nous permettent de comprendre le fonctionnement d’une émotion. Enfants, jeunes ou adultes apprennent progressivement à y faire face plus sereinement et  ainsi à moins se laisser entrainer dans un comportement réactif.

Les compétences pro-sociales

L’intelligence émotionnelle est indispensable au développement des relations interpersonnelles, englobées sous la dénomination compétences pro-sociales ou psycho-sociales. En effet, sans prise de conscience de nos émotions et de leur effet sur notre comportement, il est quasiment impossible de correctement interpréter les émotions d’autrui. Or, comme nous le rappelle Matthieu Ricard, « la mauvaise interprétation des expressions et émotions de l’autre est la base de tous les conflits ».

Prendre conscience des émotions nous permet donc de pouvoir choisir notre réaction au lieu de réagir. L’impulsivité réactionnelle étant au cœur de bien des tensions, conflits et discriminations qui impactent les relations et notamment le climat de classe.

Pourtant, là aussi, tout est affaire d’entrainement de l’attention. Je peux apprendre tout un tas de « stratégies attentionnelles » afin d’accompagner un apaisement et une régulation : je peux prendre de la distance en focalisant mon attention sur ma respiration, ou en me connectant à une ressource intérieure, comme une qualité que je sais posséder, un lieu qui me rassure, un mouvement qui me fait du bien, etc…

Si je déplace mon attention vers une ressource et l’y maintiens pendant un moment, un mouvement naturel se produit : un apaisement nerveux, un recentrage vers ce qui me fait du bien, une meilleure connexion au corps qui permet à la vague de redescendre. Maintenant je peux choisir comment répondre à celui ou celle qui m’a blessé, agressé, attristé…

Imaginez toute une classe qui s’entraine, progressivement, à développer cette attitude, avec un enseignant qui guide ou participe. Imaginez les mêmes enseignants appliquant le même principe entre collègues.  Et ainsi de suite dans un ’établissement tout entier… C’est ce que proposent tous les programmes de pleine conscience, pleine présence codifiés et qui font l’objet d’une recherche : ils introduisent ces compétences progressivement dans une logique qui prend en compte le développement psycho-émotionnel des enfants jusqu’à l’âge adulte et la connaissance des principaux mécanismes attentionnels.

Nous pouvons alors constater un meilleur climat scolaire, une réduction de l’impulsivité et une réduction des inégalités.

A ce sujet, une revue de recherches assez complète conclue que les analyses statistiques montrent une réduction significative des niveaux d’impulsivité et d’agressivité parmi le groupe expérimental, avec une incidence directe sur la motivation au niveau académique, l’efficacité individuelle et la réduction de l’échec scolaire. [2]

La recherche en France

La recherche en France a souvent été effectuée sur de petits effectifs et en nombre limité. Cependant, 2 programmes codifiés font l’objet d’une recherche sur un échantillon plus large.

  1. En 2019 est parue la première publication scientifique effectuée avec le programme d’Eline Snel, « méthode Eline Snel » avec des élèves du CE2 au CM2, sur une année.[3] Voici les principaux résultats :
  • Les aptitudes de pleine conscience sont surtout bénéfiques pour les enfants en difficulté.
  • « L’Attention ça marche ! Méthode AMT (Academy for Mindful Teaching) » d’Eline Snel (2012) permet aux enfants de mieux se réguler émotionnellement + attentif + estime de soi [concordance avec littérature] (Felver & al., 2015 ; Zenner & al., 2014)
  • Les compétences pro-sociales: meilleures chez les enfants les plus en difficulté, [concordance avec littérature] (Flook & al., 2015)
  1. L’autre recherche est celle avec le programme P.E.A.C.E.® (Présence, Écoute, Attention, Concentration dans l’Enseignement) qui en est à sa 3ème année, avec un très large échantillon d’élèves du CP aux terminales.

Les premiers résultats montrent des effets significatifs au niveau des besoins psychologiques fondamentaux (besoin d’autonomie, de compétence et d’appartenance sociale) et du sentiment de proximité sociale.

  1. Revue des recherches (ANAE)

Enfin, la revue littérature scientifique ANAE 2018 [4]nous donne les principaux résultats d’études sur des pré-adolescents et adolescents (avec des effectifs restreints) [5] dont :

  • Prévention de problématiques psychopathologiques (dépression, anxiété, troubles du comportements),
  • Diminution de comportements tels que l’agression, augmentation du contrôle de l’inhibition
  • Augmentation du bien-être, de l’optimisme

Éducation et Santé

Au niveau international, il est établit que les pratiques basées sur la pleine conscience favorisent la prévention et la promotion de la santé mentale positive.

La pratique de la pleine présence s’inscrit donc totalement au sein des principaux parcours de l’éducation nationale, dont notamment le parcours civique et citoyen mais aussi dans le parcours éducation santé, obligatoire dans toutes les écoles. Pour rappel, ce parcours comporte 3 volets :

  • Développement des compétences psycho-sociales
  • Prévention (harcèlement etc.)
  • Éducation (climat scolaire)

Se former pour bien appliquer

Pour autant, la méditation de pleine présence n’est pas une solution miracle et devrait s’inscrire au sein du curriculum éducatif en conjonction avec un apprentissage socio-émotionnel et éducatif plus complet.

Il est affligeant de constater que la formation des enseignants n’inclue pas ou peu ces apports essentiels, tels que la connaissance des phases du développement de l’enfant, la régulation du stress, les mécanismes attentionnels et relationnels, etc.

Nous constatons aussi trop souvent que, par manque de formation à un programme codifié et faisant l’objet d’une recherche, beaucoup d’enseignants ou d ‘éducateurs s’inspirent d’outils glanés au travers d’audio, de livres, de ressources présentes sur internet.

Bien entendu, cela peut être utile mais il n’est pas possible d’atteindre les effets sus-mentionnés sans formation à un programme validé et progressif et sans intégration d’une vraie pratique personnelle. 

Conclusion

La pleine présence en milieu scolaire s’inclue donc dans une douce mais nécessaire révolution de l’éducation. Imaginons un instant que l’école, qui couvre toutes les principales années de développement de la personnalité, puisse être un lieu où nous apprenons aussi et avant tout à nous connaitre, à être ami avec notre corps et nos sensations, à prendre conscience de nos émotions et du stress, à se réguler et mieux interagir avec les autres. Ne pourrions-nous pas parier, avec le Dalai Lama, que « si on enseignait la méditation aux enfants dès l’âge de 8 ans, nous éradiquerions la violence en une seule génération ? »

Osons repenser le curriculum éducatif pour redonner aux jeunes capacité de choix,  les clés d’une orientation basée sur la connaissance de soi et une contribution sociétale plus heureuse!

Programme P.E.A.C.E®

Ce programme favorise, entre autres, le développement des capacités attentionnelles, de régulation du stress et des émotions, ainsi qu’une plus grande confiance en soi, permet également le développement des compétences psychosociales qui favorisent le bien-être des élèves et un climat de classe serein.

Les approches pratiquées sont essentiellement la pratique de la présence attentive, résolument laïque, enrichie de pratiques corporelles inspirées du yoga et du qi gong, d’un exercice issu du Brain Gym® ainsi que d’apports incluant psychologie positive, intelligence émotionnelle et liens corps-mental.

Candice E. Marro

Psychothérapeute, ostéopathe, présidente de l’association Méditation dans l’Enseignement et directrice de P.E.A.C.E® mindful education Inc. (programmes de pleine présence dans L’éducation).Elle forme les enseignants et éducateurs au protocole P.E.A.C.E (présence, écoute, attention, concentration dans l’enseignement)

Elle est auteur du livre « méditer avec les enfants, ça marche » aux éditions Le courrier du livre et « Mon enfant médite en pleine conscience » avec Ilios Kotsou, éditions Jouvence.

www.mindful-education.fr

www.meditation-enseignement.com

[1] Enquête Initiative Mindfulness France Juin 2019 – 3 principaux programmes recensés : P.E.A.C..E®, Méthode Eline Snel, Mindful Up.

Effect of a mindfulness Training Program on the Impulsivity and Aggression Levels of Adolescents with Behavioral Problems in the Classroom- Clemente Franco1Alberto Amutio2 Luís López-González3,  Xavier Oriol4 and Cristina Martínez-Taboada2

1Department of Psychology, Faculty of Educational Sciences, University of Almería, Almería, Spain

2Department of Social Psychology and Methodology of the Behavioral Sciences, Faculty of Psychology, University of the Basque Country, San Sebastian, Spain

3Institute of Educational Sciences, University of Barcelona, Barcelona, Spain4Department of Management and Public Policies, Universidad de Santiago de Chile, Santiago, Chile

[3] Voir le site d’enfance et attention pour la revue complète.

[4] Synthèse de 39 études quantitatives réalisées entre 2005 et 2017 sur les bénéfices académiques, socio-émotionnels et psychologiques des IBPC (Interventions Basées sur la Pleine Conscience) en  milieu scolaire

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