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Comment le yoga aide nos enfants à garder le contrôle à l’ère numérique

RESTEZ ZEN, VOS ENFANTS SONT CONNECTES !

Les technologies numériques nous ouvrent des horizons exaltants.  Elles nous poussent aussi à relever de nouveaux défis dans le domaine éducatif. Dans cette optique, le yoga sera une aide précieuse. Dans notre livre Restez zen, vos enfants sont connectés !, nous reprendrons les étapes du yoga dans le but de vivre plus consciemment la digitalisation : développer la sociabilité face au risque d’isolement derrière un écran; trier le flux d’informations et se prémunir contre les dangers de la manipulation ; mieux habiter son corps dans un monde de plus en plus « dématérialisé » ; reprendre son souffle à l’heure du « toujours plus vite » ; cultiver son intériorité pour compenser l’extraversion vers les cybermondes ; accroître sa concentration pour lutter contre la dispersion mentale.  Bref, en montrant des pratiques efficaces et simples, éprouvées auprès des jeunes, nous explorons les diverses manières que le yoga nous propose pour contribuer à faire du numérique une source d’enrichissement.

Nous prendrons ici deux exemples développés dans l’ouvrage : le cyberharcèlement et le déficit d’attention.

Comment éviter le fléau du cyberharcèlement ?

Les racines du déni de l’autre sont très bien analysées par le philosophe Emmanuel Levinas. Seul le moi qui veut faire sa place au soleil compte. Autrui devient un simple objet que je formate selon mon bon plaisir en l’enfermant dans des étiquettes. Il n’est plus là, présent en chair et en os. Le voici réduit à une somme de données et d’images manipulables, pour le meilleur (si je cherche à le valoriser) mais aussi et trop souvent pour le pire quand je le dénigre, par exemple sur les réseaux sociaux. La relation la plus fréquente sur Internet se fait hélas le plus souvent en l’absence de l’autre.  Je me l’approprie. Je parle de lui ou je lis des avis sur lui.

Comment éviter que nos enfants écrivent n’importe quoi sur la Toile ? Nous leur proposerons de respecter la règle suivante : je n’écris ou je ne dis sur les réseaux sociaux que des mots que je pourrais prononcer en présence de la personne, en face de son visage comme si elle était physiquement là. Cette pratique suppose évidemment une prise de recul. Le moi se place au-dessus de la mêlée des pulsions qui le poussent à se défouler dans une incontrôlable dérive émotionnelle. Il se représente autrui, comme s’il était face à lui. Cela suppose un temps d’arrêt qui pourra par exemple s’accompagner d’une bonne respiration avant d’écrire.

Les réseaux sociaux eux-mêmes offrent l’opportunité de s’adresser directement à autrui, en sa présence. Il peut alors me répondre. Dans ces moments-là, je ne dirige pas tout. Le moi perd son statut de roitelet. Il s’agit de privilégier ce type de relation sur la Toile.

Avant qu’il note quoi que ce soit à propos de qui que ce soit sur Internet, on apprendra aussi aux enfants à soumettre leurs propos aux trois passoires de Socrate : la vrai, le bien et l’utile.

  • Première passoire : ce que je veux dire est-il vrai? Ai-je vérifié mes sources ?
  • Deuxième passoire : ce que je souhaite communiquer, est-ce quelque chose de bien?
  • Troisième passoire : ce que je veux transmettre, est-ce utile pour les autres ?

Si le texte publié sur Internet ne passe pas l’une de ses passoires, alors mieux vaut se taire !

Enfin, pour Levinas, rien ne remplace la rencontre réelle avec la personne en chair et en os. Elle dépasse toutes les étiquettes que je projette sur elle pour mieux la cerner. Une vraie éducation se doit d’encourager ce face-à-face.

On apprendra aussi aux enfants à cultiver l’empathie qui consiste à être touché par l’autre et même à savoir se mettre à sa place en étant capable de ressentir ce qu’il ressent. Oui, l’empathie s’entraîne, en passant aussi par le corps, comme le montre l’exercice suivant.

Exercice  : les mains miroirs

Les enfants se mettent face à face, par groupe de deux. Ils placent la paume de leur main droite, l’une près de l’autre, en s’effleurant sans se toucher. L’un des deux commence par diriger le mouvement du bras et de la main et l’autre doit le suivre, d’abord les yeux ouverts puis en les fermant. On change ensuite de « conducteur ». On refera l’exercice avec les deux mains.

Cette pratique oblige chacun à être pleinement attentif à l’autre, que ce soit le « pilote » veillant à ce que l’autre ne décroche pas ou l’accompagnant concentré sur le geste de son camarade.

Cette pratique est tirée du yoga, mot venant du sanscrit et dont la racine (yug) signifie joindre. La « jonction » avec autrui est donc à la base du yoga. Elle devrait aussi prédominer sur les réseau. Être connecté, n’est-ce pas d’abord être connecté à autrui ?

Comment lutter contre la dispersion mentale ?

« Nos enfants ne savent plus se concentrer ; ils zappent sans cesse d’un contenu à l’autre happés par de multiples sources de distraction, notamment sur Internet ». Que de fois entend-on ce constat ! Il est vrai que lorsque nous naviguons sur le Net, nous sommes continuellement sollicités par des stimuli superflus mais attrayants.

Cependant les jeux vidéo ne sont-ils pas un excellent moyen pour mettre fin à la dispersion et développer l’attention ? Certes, mais ils ne cultivent qu’un type spécifique de vigilance : l’attention plurielle ou panoramique. Le joueur doit en effet observer tout ce qui survient dans son champ de vision pour réagir adéquatement.

Or l’attention demandée pour apprendre telle ou telle matière ou écouter un enseignant est très différente de celle requise pour les jeux vidéo. Elle est même l’inverse. Plutôt que de s’ouvrir tous azimuts pour repérer tel objet, il s’agit au contraire de se recentrer sur un seul foyer (par exemple ces mots de vocabulaire ou ce poème) en mettant entre parenthèses tous les autres stimuli. On parlera alors d’attention focalisée ou, plus simplement, de concentration. C’est surtout celle-ci qui est en voie de perdition de nos jours et qu’il faut enseigner à nos enfants. On leur proposera des exercices de recentrage auditif (se centrer sur un son à l’exclusion des autres) ou visuel comme celui-ci :

Exercice : le rayon laser pour rassembler ses esprits.

·         Dessinez un petit point dans la couleur de votre choix au milieu d’une feuille blanche.

·         Fermez les yeux et prenez conscience de tout votre corps dans l’espace. Observez ensuite quelques instants votre souffle.

·         Après avoir rouvert les yeux, fixez le point durant une minute et ne vous laissez pas distraire. Toute votre attention se porte sur lui, comme un rayon laser.

·         Fermez les yeux, détendez-vous quelques instants dans l’espace frontal, derrière vos paupières closes, en observant l’éventuelle trace du point.

·         Reprenez conscience de votre souffle puis de votre corps avant d’ouvrir les yeux.

N.B. : cet exercice se pratique sans crispations. Contentez-vous de « reprendre vos esprits », trop souvent dispersés, pour revenir à vous ! Plutôt qu’un point, on peut aussi regarder la flamme d’une bougie en se fixant sur le bout de la mèche. L’image rémanente dans l’espace frontal sera dans ce cas plus forte.

Jacques de Coulon et Sophie Flak

Pour en savoir plus : consultez le livre de Sophie Flak et Jacques de Coulon, Restez zen, vos enfants sont connectés ! Comment le yoga aide les enfants à garder le contrôle à l’ère numérique, Payot, Paris, février 2020.

Présentation des deux auteurs

Convaincue qu’il y a urgence à faire émerger un modèle de société plus respectueux des êtres humains et de l’environnement et passionnée d’innovation, Sophie Flak est directrice du développement durable et du digital en entreprise. Elle enseigne à Sciences Po Paris, préside l’association RYE – Recherche sur le Yoga dans l’Education –  reconnue par le Ministère de l’Education nationale. Elle est membre du Conseil National du Numérique.

Ancien recteur et président du Conseil de l’éducation en Suisse, Jacques de Coulon est avant tout un homme de terrain, passionné d’enseignement. Il a participé à la fondation du RYE en 1978 et a formé dans ce cadre des milliers d’enseignants. Il a écrit une quinzaine d’ouvrages traduits dans plusieurs langues sur la  philosophie, l’éducation ou la méditation.

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